Cours d’appel d’Aix en Provence – arrêt du 08 décembre 2022

EXPÉDITION REVÊTUE DE LA FORMULE EXÉCUTOIRE

République Française COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Au nom du peuple français Chambre 1-2

Rôle N° RG
22/09223 – N° Portalis
DBVB-V-B7G-BJU LW

Jean SADECKI
S.A.R.L.
CARINVEST EUROPE
SAS, SURE FINANCES

C/ Nicolas GAIARDO

S.A.S. WARNING TRADING

Copie exécutoire délivrée
le : 08 DEC. 2022

Me Paul GUEDJ

Me Laure ATIAS

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022

N° 2022/823

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de NICE en date
du 03 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00872.

APPELANTS

Monsieur Jean SADECKI
né le 16 Décembre 1963 à CAYENNE (97302) .
demeurant 1509 Chemin des Brusquets – 06600 ANTIBES

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO
DAVAI, GUEDIJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et assisté par Me Pascale DIEUDONNE, avocat au barreau de NICE, plaidant

S.A.R.L. CARINVEST EUROPE,
dont le siège social est 47 Bd Victor HUGO – 06000 NICE

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO
DAVAL GUEDI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Pascale DIEUDONNE, avocat au barreau de NICE, plaidant

S.A.S. SURE FINANCES,

dont le siège social est 47 Bd Victor HUGO – 06000 NICE

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO
DAVAL GUEDI. avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Pascale DIEUDONNE, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Monsieur Nicolas GAJARDO
né le 26 Mars 1971 à VILLENEUVE SAINT GEORGES (94190),
demeurant Europarc de Pichaury Bâtiment 5 – 13290 AIX-EN-PROVENCE

représenté par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS &
ASSOCIES. avocat au barreau d’AI[X-EN-PROVENCE.
et assisté par Mc Roman LEIBOVICT, avocat au barreau de PARIS. plaidant,

S.A.S. WARNING TRADING
dont le siège social est Europarc de Pichaury Bâtiment B5 – 13290
AIX-EN-PROVENCE

représentée par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS &
ASSOCIES. avocat au barreau d’AJX-EN-PROVENCE.
et assistée par Me Roman LEIBOVICI, avocat au barreau de PARIS, plaidant

AS RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-F-B7G-BJULW

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 31 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804
du code de procédure civile, Catherine OUVREL, Conseillère, à fait un rapport oral de l’affaire
à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président ;
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Caroline BURON. Pr
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au
greffe le 08 Décembre 2022.

MINISTERE PUBLIC :
Auquel affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT
Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022;

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline BURON, greffier auquel la minute
de la décision a été remise par le magistrat signataire.

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BBILW

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur Nicolas Gaiardo a créé en 2018 la SAS Warning Trading dont l’objet est la lutte
contre la cybercriminalité financière par une mission d’information qu’elle exerce
principalement via son site internet https://www.warning-trading.com. Il est journaliste depuis
le 1* février 2019 et est le directeur de publication de la SAS Warning Trading.

La SARL Carinvest Europe est une société spécialisée dans le leasing automobile permettant
à des particuliers et sociétés de participer à son activité en devenant associés. La SAS Sure
Finances est une société de conseil en investissements financiers dont le président est monsieur Jean Sadecki.

Estimant être victimes de diffamation à raison d’un article publié par monsieur Nicolas Gaiardo
sur le site de la SAS Warning Trading le 12 février 2021, se fondant sur l’article 835 du code
de procédure civile, outre les articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881,
monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances ont assigné

monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading le 11 mai 2021. La procédure a été dénoncée au procureur de la République de Nice.

Par ordonnance en date du 3 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :

. annulé l’assignation, débouté monsieur Nicolas Gaiardo de sa demande de dommages et intérêts pour
procédure abusive, condamné solidairement monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS

Sure Finances à payer à monsieur Nicolas Gaiardo la somme de 1 500 € sur le
fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamné monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances
au paiement des dépens.

Le premier juge a notamment estimé que monsieur Jean Sadecki; la SARL Carinvest Europe et
la SAS Sure Finances n’étaient pas suffisamment précis dans leur acte introductif d’instance,
ne distinguant pas les propos diffamatoires imputés à chacun d’eux.

Selon déclarations reçues au greffe les 27 et 29 juin 2022, monsieur Jean Sadecki, la SARL
Carinvest Europe et la SAS Sure Finances ont interjeté appel de la décision, l’appel portant sur
toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.

Les instances ont été jointes par ordonnance du 6 juillet 2022.

Par dernières conclusions transmises le 23 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample
exposé des prétentions et moyens, monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS
Sure Finances demandent à la cour de : réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a annulé l’assignation du 11 mai 2021 et
juger qu’elle répond aux conditions de l’article 53 alinéa:1 de la loi du 29 juillet 1881,

Statuant à nouveau : ordonner la suppression de l’article publié sur internet le ‘12 février 2021 par monsieur
Nicolas Gaiardo, via le site internet Warning Trading, intitulé » L’AMF met en garde
contre Car Invest Europe » dont le contenu constitue une diffamation ainsi que tous les
articles qui y sont liés (et notamment celui de Broker Defense) ou auxquels il renvoie,
sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de ja décision à intervenir, condamner in solidum monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading à payer à titre de provision sur la réparation des préjudices causés par cette publication:

– la somme de 50 000 € à la SARL Carinvest Europe au titre de son préjudice
financier arrêté provisoirement au jour de la présente assignation
– la somme de 50 000 € à la SARL Carinvest Europe au titre de son préjudice
moral,

– la somme de 50 000 € à la SAS Sure Finances, au titre de son préjudice
financier et moral,

– la somme de 50 000 € à monsieur Jean Sadecki, au titre de son préjudice moral, ordonner la publication par monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading, à leurs frais avancés, de la décision à intervenir sur les pages d’accueil du site Warning

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BÆJLW

Trading et tous sites qui y sont liés ou auxquels il renvoie, ainsi que sur les sites de la
SARL Carinvest Europe et de la SAS Sure Finances, a débouter monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading de toutes leurs
demandes, fins et conclusions,

. les condamner in solidum à leur payer respectivement là somme de 5 000 € chacun en
application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ;

. les condamner in solidum aux entiers dépens d’appel, ces derniers avec distraction.

S’agissant du contexte de l’infraction, les appelants font valoir que monsieur Nicolas Gaiardo
a créé une activité lucrative au préjudice ‘de personnes et sociétés qui sont la cible de ses
attaques et sont indûment accusés d’escroquerie sur la foi de ses seules allégations. La SARL
Carinvest Europe dénonce ainsi avoir été visée sous le titre “T’AMF met en garde contre Car
Invest Europe” ainsi que via la question “combien de véhicules ont été achetés grâce à ces 800
000 € à ce jour”, sous-entendant qu’elle en aurait fait un autre usage. La SAS Sure Finances et
monsieur Jean Sadecki estiment avoir également été gravement mis en cause dans Particle
dénoncé, la SAS Sure Finances en ce qu’il est indiqué qu’elle ne “bénéfice d’aucune
autorisation auprès de l’AMF”, et, monsieur Jean Sadecki en ce qu’il sera “interdit de gestion”
par la mention “condamné Jean Sadecki confie la gestion à sa femme”. Les appelants dénoncent
également le lien entre le site de la SAS Warning Trading et d’autres sites, fournissant des
services d’aide à la récupération de fonds, dont Check & Pay ou Broker Defense, qui relaient
ces fausses informations.

La SARL Carinvest Europe indique avoir exercé son droit de réponse publié le 9 mars 2021,
mais soutient que le mal était déjà fait et que le maintien en ligne de l’article continue de lui
porter préjudice,

Les appelants soutiennent, en premier lieu, que l’assignation est parfaitement valable en ce
qu’elle précise et qualifie chaque fait incriminé soit chaque propos diffamatoire contenu dans
l’article de monsieur Nicolas Gaiardo concernant chacun d’entré eux, et, vise expressément le
texte applicable à la poursuite, à savoir l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Ils dénoncent
l’amalgame fait par les intimés entre eux trois, et la publication les visant indifféremment sur
un site se targuant d’être “le 1 site d’information dédié aux arnaques”. En outre, ils mettent en
avant l’aveu des intimés, dans le cadre de leurs écritures réitérées en appel, ces derniers ayant
reconnu savoir précisément quels propos diffamatoires leur étaient reprochés par chacun des
demandeurs, aux termes de 4 extraits identifiés, et avoir ainsi pu se défendre.

Ainsi, s’agissant de la SARL Carinvest Europe, outre le fait de la citer sur un site dédié à la
dénonciation d’arnaques, les appelants reprochent aux intimés d’avoir voulu faire croire qu’elle
exerce une activité illégale, avec mise en garde à son encontre par l’AMF, et, qu’aucune
information ne serait donnée sur l’utilisation des fonds remis par ses nouveaux associés, sous-
entendant un détournement d’usage.

S’agissant de monsieur Jean Sadecki, ils reprochent aux intimés le titre en gras selon lequel
“condamné, Jean Sadecki confie la gérance de la SARL Carinvest Europe à sa femme”, en
prenant ainsi prétexte d’une sanction administrative de l’AMF ne concernant que l’activité de
conseiller en investissements financiers de monsieur Jean Sadecki, pour laisser entendre un
exercice illégal de sa profession. De même, les appelants dénoncent l’affirmation selon laquelle
monsieur Jean Sadecki serait “interdit de gestion” alors qu’aucune interdiction de gérer une
société, ni aucune condamnation pénale n’est intervenue. ;
S’agissant de la SAS Sure Finances, ils reprochent le fait de la citer sur un site dédié à la
dénonciation d’arnaques, avec renvoi vers des sites de “service d’aide juridique aux victimes
d’arnaques financières”, et d’avoir indiqué qu’elle ne bénéficiait d’aucun agrément de l’AMF,
non nécessaire.

En deuxième lieu, les appelants estiment le trouble manifestement illicite caractérisé à raison
des propos diffamatoires tenus à l’encontre de chacun d’eux, tels qu’ils viennent d’être
développés et repris, soit :
– pour la SARL Carinvest Europe : ;

– « T AMF met en garde contre Car Invest Europe”, ce qui est faux, et,

-“combien de véhicules ont été achetés grâce à ces 800 000 € à ce jour”, laissant
entendre un possible détournement des fonds remis par les associés de la société sans aucune
preuve ni réalité,

– Outre le seul fait de lui consacrer une partie de leur article sur un site dédié à
la dénonciation d’arnaques, laissant entendre que cette société en est une :

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BHILW

– pour monsieur Jean Sadecki :

– en indiquant qu’il serait “interdit de gestion” ce qui est faux, ,

– en titrant “condamné, Jean Sadecki confie là gérance à sa femme”, et en
écrivant que “pour pouvoir continuer ses affaires, il a modifié le nom de son entreprise et
qu’interdit de gestion, il a été remplacé par Didier Cordelle à la tête de Sur Finances et sa
femme, Nina Sadecki Drnova a pris la tête de Carinvest Europe”, laissant ainsi faussement
croire que, sous je coup d’une condamnation, monsieur Jean Sadecki aurait mis en oeuvre des
manoeuvres lui permettant de poursuivre ses activités, alors que depuis le 17 mars 2021, il est
le nouveau gérant de Ja SAS Sure Finances (en remplacement de son épouse), et son président
depuis le 25 mars 2021, et alors qu’il a seulement fait l’objet en 2018 d’une sanction
administrative de l’AMF au titre de son activité de conseil en investissements financiers pour
des manquements à des obligations purement formelles en dehors de tout préjudice causé aux
tiers et en l’absence de tout enrichissement personnel, E | Lu.

– outre le seul fait de lui consacrer une partie de: leur article sur un site dédié à
la dénonciation d’arnaques, laissant entendre qu’il y participe ;’

– pour la SAS Sure Finances : – …

– elle “ne bénéficie d’aucune autorisation de l’AMF” et se cacherait derrière un
changement de dénomination sociale comme étant l’ancienne SAS Axess Finances elle-même
condamnée par l’AFM avec monsieur Jean Sadecki qui était alors son président, ce alors que
ce changement de dénomination sociale n’est pas répréhensible, ; | e.

– outre le seul fait de lui consacrer une partie de leur article sur un site dédié à
la dénonciation d’arnaques, laissant entendre que cette société en est une.

En troisième lieu, monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances
contestent toute bonne foi des intimés alors qu’une présomption de mauvaise foi s’attache de
plein droit aux imputations diffamatoires. Les appelants dénient l’existence d’un but légitime
poursuivi, monsieur Nicolas Gaiardo s’instaurant en justicier, dénonçant des escroqueries
dépourvues de qualification pénale, et excédant les limites apportées à la liberté d’expression
dans l’exercice de son métier de journaliste. Au contraire, les appelants soutiennent que l’intimé
poursuit un but lucratif cherchant à attirer le plus de clients possibles grâce à des titres chocs
pour son activité de récupération de fonds. Par ailleurs, les appelants font état de ce que l’article
ne résulte pas d’une enquête préalable sérieuse, n’est pas dépourvu d’une animosité personnelle
à leur endroit, de sorte que le caractère diffamatoire est, selon eux, établi.

En quatrième lieu, les appelants font valoir que leur honneur a été gratuitement sali et leur
réputation atteinte dans le seul but d’alimenter les activités lucratives des intimés, en lien avec
d’autres sites sur lesquels ces fausses informations étaient répercutées. Ils en déduisent être
fondés à solliciter la suppression de l’article incriminé et l’indemnisation de leurs préjudices
moraux, pour atteinte à l’honneur, la réputation et la probité, et financières à raison de la perte
de clients et/ou associés.

Enfin, ils s’opposent à tout dommage et intérêt pour procédure abusive.

Par dernières conclusions transmises le 28 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus

ample exposé des prétentions et moyens, monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading

sollicitent de la cour qu’elle : :

À titre principal :

, confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a prononcé, in limine litis, la nullité de

, l’acte introductif d’instance du 11 mai 2021 pour imprécision des faits poursuivis,

À titre subsidiaire :

. dise que monsieur Nicolas Gaiardo, en tant que directeur de publication du site
rer AO a g.com, a fait preuve de bonne foi dans la rédaction de l’article objet

u litige,

. dise que monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances
n’apporte pas la preuve de leur prétendu préjudice,

. déboute monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances de
leurs demandes,

Sur appel incident et en tout état de cause : réforme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de réparation au titre
de la procédure abusive,

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BHILW

+ réforme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de publication du
jugement à intervenir sur le site de la SARL Carinvest Europe, consultable sur le lien
URL : https://carinvesteurope.fr/, de la SAS Sure Finances, consul table sur le lien URL:
https://suréfinances.fr/, aux frais avancés de monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest
Europe et la SAS Sure Finances,

. condamne solidairement monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS
Sure Finances à payer à monsieur Nicolas Gaiardo la somme de 10 000 € en réparation
de san préjudice moral pour procédure abusive, Sur le fondement de l’article 32-1 du
code de procédure civile, ;

. condamne solidairement monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS
Sure Finances à la publication de l’arrêt à intervenir sur le site de la SARL Carinvest
Europe, consultable sur le lien URL : https://carinvesteurope.fr/, de la SAS Sure
Finances. consultable sur le lien URL: https://surefinances.fr/, aux frais avancés de
monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances,

+ condamne solidairement monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS

Sure Finances à payer à monsieur Nicolas Gaiardo la somme de 10 000 € en application
de l’articlé 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Monsieur Nicolas Gaiardo explique avoir publié son article le 12 février 2021, après avoir été
rendu destinataire en juin 2020 d’un signalement par un lecteur concernant l’offre
d’investissement originale proposée par les appelants sur Facebook, après avoir récolté des
informations d’internautes dès le 4 février 2021, après une réaction immédiate des appelants
signe d’une veille internet poussée et active, et après avoir obtenu, via un investisseur, une
réponse de l’AMF du 10 février 2021 mettant clairement en garde contre toute investissement
proposé par la SARL Carinvest Europe et par monsieur Jean Sadecki, Il indique avoir publié dès
le 9 mars 2021 le droit de réponse sollicité le 5 mars par la SARL Carinvest Europe mais avoir
refusé de satisfaire à la mise en demeure du 24 mars 2021 tendant à la suppression de l’article,
estimant qu’aucun propos diffamatoire n°y figurait. Les intimés ajoutent au contraire que, dans
le cadre de la publication décidée par la SARL Carinvest Europe sur son site le 12 février 2021,
celle-ci a tenu des propos diffamatoires contre la SAS Warning Trading , de sorte qu’une plainte
avec constitution de partie civile a été déposée le 21 mai 2021 et est en cours d’instruction.

À titre principal, les intimés soutiennent que l’assignation délivrée est nulle en raison de
l’imprécision des faits poursuivis, au regard de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ici
applicable. Is font valoir que les trois appelants s’estiment collectivement diffamés par l’article
litigieux sans que l’assignation ne permette de déterminer de quels propos diffamatoires se
plaint chacun des appelants, aucune attribution précise et isolée de faits diffamatoires n’étant
établie, Ils contestent avoir reconnu une articulation correcte dans l’assignation et dénient tout
aveu ou reconnaissance selon laquelle ils auraient pu utilement se défendre. Ils soutiennent au
contraire n’avoir pu utilement se défendre puisqu’il n’est pas possible de savoir quel appelant
se prétend lésé par quel extrait, aucune articulation en détail entre l’extrait incriminé, l’appelant,
le type de préjudice causé et la manière dont il le serait, n°étant effectué.

À titre subsidiaire, monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading entendent démontrer
l’absence de diffamation en raison de la bonne foi de monsieur Nicolas Gaiardo. Ils invoquent
la liberté d’expression et assurent que les quatre conditions requises à l’exception de bonne foi
sont réunies. ls mettent en avant leur réputation, leur compétence étant reconnue par l’ensemble
de la presse française, leurs succès et l’organisation de la SAS Warning Trading qui relaie les
activités des antennes de la société N&L, à savoir Broker Defense et Check & Pay. 1Is versent
à ce titre des attestations de clients satisfaits. Ils assurent que toutes les publications de la SAS
Warning Trading ne poursuivent qu’un seul but, l’information du public et sa prévention contre
les escroqueries financières existantes.

Ainsi, ils se défendent d’avoir employé le terme d’arnaque dans l’article litigieux pour décrire
l’activité des appelants, la seule référence à la rubrique du site internet étant insuffisante. Quant
à la mise en garde de l’AMF contre la SARL Carinvest Europe, ils soutiennent qu’elle est avérée
et documentée. De même, les intimés assurent qu’il est permis de s’interroger sur la légalité des
activités des appelants dans Ja mesure où la SAS Sure Finances se présente comme conseiller
en gestion de patrimoine, alors que sa dénomination d’origine, la société Axess Finances et son
actuel président et gérant, monsieur Jean Sadecki, ont été interdits d’exercer une activité de
conseiller en investissements financiers jusqu’en décembre 2023 par décision de l’AMF.
confirmée par le Conseil d’Etat. Ils ajoutent n’avoir jamais prétendu que monsieur Jean Sadecki

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BHILW

7 avait fait l’objet d’une interdiction de gérer une société ou d’une condamnation pénale, mais ont
uniquement fait référence à son interdiction d’exercer une activité de conseiller en
investissement. | 2

Par ailleurs, les intimés indiquent que l’indication de l’absence:d’autorisation de la SAS Sure
Finances provient de l’AMF elle-même, information qu’ils ont seulement relayée.

Dans la mesure où ils ont rappelé le contexte et l’historique des différentes gestions de la SAS
Sure Finances et la SARL Carinvest Europe, ils estiment qu’il n’y a pas diffamation puisque
c’est bien en lien avec l’interdiction prononcée par l’AMF que monsieur Jean Sadecki a placé
son épouse comme présidente et gérante pendant un temps, ces derniers ayant toujours géré
ensemble ces sociétés. J ;
Enfin, s’agissant de l’orientation des 800 000 € perçus, ils reconnaissent une question
provocatrice, mais aucunement diffamatoire. ;

Les intimés dénoncent encore l’absence de préjudice des appelants, leurs prétentions pourtant
exorbitantes n’étant étayées par aucune pièce.

En tout état de cause, les intimés sollicitent l’indemnisation au titre d’une procédure
parfaitement abusive des appelants, diligentée dans le seul but-de leur nuire et d’atteindre la
réputation et le sérieux du travail de lanceur d’alerte de monsieur Nicolas Gaiardo, en sous-
entendant qu’il poursuit un but lucratif ou agit en justicier.

Madame la Procureure Générale près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, régulièrement intimée
à domicile le 4 juillet 2022, n’a pas conclu.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 17 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de
“constatations”, de “prise d’acte” ou de “dire et juger” qui ne sont pas, hors les cas prévus par
la lois des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences
juridiques.

Sur la validité de l’assignation du 11 mai 2021

En vertu de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la citation précisera et qualifiera le fait
incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite: Si la citation est à la requête
du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et
sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à
peine de nullité de la poursuite.

L’acte de poursuite ne doit entraîner aucune équivoque dans l’esprit du défendeur sur les faits
et la qualification dont il a à répondre. Lorsque plusieurs personnes s’estiment diffamées par les
mêmes propos et font délivrer un seul et même acte, il leur appartient de fournir les indications
nécessaires afin de permettre aux prévenus de déterminer de quels propos diffamatoires se plaint
chacune des parties civiles. |
Ainsi, l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 exige que la citation soit précise, qualifie le fait
Incriminé et qu’elle indique le texte de loi applicable à la poursuite, L’acte introductif d’instance
à ainsi pour rôle de fixer définitivement l’objet de la poursuite, afin que la personne poursuivie.
puisse connaître, dès sa lecture et sans équivoque, les faits dont elle aura exclusivement à
répondre, l’objet exact de l’incrimination et la nature des moyens de défense qu’elle peut y
opposer. Les formalités prescrites par ce texte, applicables à l’action introduite devant la
juridiction civile dès lors qu’aucun.texte législatif n’en écarte l’application, sont substantielles
aux droits de la défense et d’ordre public. Leur inobservation entraîne la nullité de la poursuite
elle-même aux termes du 3°” alinéa de l’article 53, notamment sil l’acte introductif d’instance a
pour effet de créer une incertitude dans l’esprit de la personne poursuivie quant à l’étendue et la
nature des faits dont elle a à répondre.

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8

En l’occurrence, il appert que l’acte introductif d’instance délivré le 11 mai 2021 par monsieur
Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances à monsieur Nicolas Gaiardo
et la SAS Warning Trading vise expressément les articles 29 alinéa 1, concernant
l’incrimination de diffamation, et 32, concernant la sanction, de Ja loi du 29 juillet 1981, tant
en son dispositif qu’en ses motifs. Dès lors, les intimés ont pu savoir qu’une diffamation leur
était reprochée. De plus, la demande principale formée au dispositif de l’assignation est rédigée
en ces termes : “ordonner la suppression de l’article publié sur internet le 12 février 2021 par
monsieur Nicolas Gaiardo , via le site internet Warning Trading, intitulé “L’AMF met en garde
contre Car Invest Europe” dont le contenu constitue une diffamation ainsi que tous les articles
qui y sont liés ou auxquels il renvoie, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de
la décision à intervenir”.

Si effectivement, le renvoi à “tous les articles qui y sont liés ou auxquels il renvoie” est par trop
général, et ne permet pas l’identification requise par le texte sus-visé, il n’en demeure pas moins
que l’article principal incriminé comme étant diffamant est nommé précisément, à savoir celui
intitulé “L’AMF met en garde contre Car Invest Europe” au titre de sa diffusion sur le site
internet de la SAS Warning Trading.

Certes, dans le cadre du dispositif de l’assignation, une diffamation est imputée aux intimés,
sans distinction à l’égard de chacun dés trois requérants et sans articulation précise des propos
diffamants relativement à chacun d’eux. Toutefois, dans les motifs de cette assignation, et
notamment en ses première et deuxième page, la mention des extraits de l’article en cause,
rapportés à chacun des requérants est identifié et identifiable. Ainsi, en fin de première page, il
est expressément indiqué qu’il est reproché à monsieur Nicolas Gaiardo d’avoir présenté
l’activité de la SARL Carinvest Europe comme étant une “arnaque” et de l’avoir mentionné sous
le titre “l’AMF met en garde contre Car Invest Europe”. En deuxième page, il est expressément
reproché aux intimés, s’agissant de la SAS Sure Finances d’avoir:indiqué qu’elle “ne bénéficie
d’aucune autorisation de l’AMF”, sous-entendant une activité illicite. Enfin, s’agissant de
monsieur Jean Sadecki, les extraits suivants sont mis en exergue èomme étant diffamants à son
endroit, à savoir qu’il serait “interdit de gestion”, sous le titre “condamné, Jean Sadecki confie
la gérance à sa femme”. De même, il est dénoncé le questionnement suivant comme étant
diffamant : “combien de véhicules ont été achetés grâce à ces 800 000 € à ce jour”.

Ainsi, si l’articulation précise entre des propos prétendument diffamatoires et chacune des
personnes visées n’est pas présentée de manière évidente et claire, il n’en demeure pas moins
que les intimés savaient parfaitement à la réception de cet acte introductif d’instance qu’étaient
en cause des propos diffamatoires, sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881,
la sanction de l’article 32 de la même loi étant visée, à raison de l’article paru sur le site internet
de la SAS Warning Trading, sous le titre “L’AMF met en garde contre Car Invest Europe”, et,
les extraits prétendument diffamants étaient précisés avec identification possible pour chacun
d’eux de chacun des requérants. Ainsi, à la réception de cette assignation, les intimés ont été en
mesure de se défendre utilement, et notamment de faire valoir l’exception de vérité ou de bonne
foi. Au demeurant, c’est ce qu’ils ont fait dès leurs premières conclusions en défense devant le
juge des référés, elles-mêmes documentées, précises et circonstanciées, après identification
précisément des extraits en cause, attribués à chacun des appelants de l’espèce.

Aussi, c’est à tort que le premier juge a retenu l’exception de nullité de l’assignation, et il
convient d’infirmer l’ordonnance de ce chef. En application de l’effet dévolutif de l’appel, la
cour doit statuer sur les prétentions émises en termes de suppression de la parution litigieuse et
de dommages et intérêts.

Sur la demande tendant à la suppression de l’article intitulé “L’AMF met en garde
contre Car Invest Europe”

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire
ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours,
même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé lès mesures conservatoires ou
de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser
un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite se caractérise par toute perturbation résultant d’un fait matériel

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BÆILW

ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de
droit. En outre, aucune condition d’urgence ou d’absence de contestation sérieuse n’est requise
pour l’application de l’article susvisé.

L’article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 définit Ja diffamation comme “toute
allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la
personne ou du corps auquel le fait est imputé”. La loi ajoute que la publication directe ou par
voie de reproduction de cette allégation où de cette imputation est punissable, même si elle est
faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés,
mais dont l’identification est rendue possible par les termes des ‘discours, cris, menaces, écrits
ou imprimés, placards ou affiches incriminés. La diffamation doit résulter d un fait précis,
susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa. vérité.

La liberté d’expression demeure une valeur fondamentale au sein d’une société démocratique
et a été affinée par de nombreux textes fondateurs, tels l’article { 1 de la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen, l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme
adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies du 10 décembre 1948, l’article 10 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950, mais également par la Charte de Munich adoptée en 1971. Elle a été
également affirmée en jurisprudence par le Conseil Constitutionnel (84-181 DC du 11 octobre
1984), ainsi que par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 27 mars 1996 Goodwin
c. Royaume-Uni, notamment).

Dans le but notamment de préserver cette liberté fondamentale, la jurisprudence a reconnu et
défini le fait justificatif de bonne foi afin de défendre face à des imputations diffamatoires. Cette
exception de bonne foi suppose la réunions de quatre conditions :

– le recherche d’un but légitime dans les propos tenus,

– l’absence d’animosité personnelle,

– la prudence dans l’expression,

-l’existence d’une enquête préalable sérieuse permettant de s’assurer de la véracité des
SOUrcCES.

En l’espèce, il convient d’examiner précisément chacun des faits imputés pour retenir, ou non,
leur caractère manifestement diffamatoire, ou la justification de l’exception de bonne foi les
concernant venant combattre la présomption de mauvaise foi s’attachant de plein droit aux
imputations diffamatoires.

S’agissant, en premier lieu, des propos diffamants dénoncés au préjudice de la SARL Carinvest
Europe, 1l convient tout d’abord de constater que l’article incriminé, intitulé, “l’AMF met en
garde contre Car Invest Europe”, ne comprend pas en lui-même le terme “d’arnaque”, et ce
qualificatif n’est pas associé à l’activité de la SARL Carinvest Europe. Le rapprochement avec
ce terme ne résulte que de la rubrique “arnaques” au sein de laquelle sont regroupés, sur le site
internet de la SAS Warning Trading, plusieurs publications, dont l’article incriminé, publié le
12 février 2021 sur le site https://www.warning-trading.com. Plus précisément, cet article
apparaît dans une sous-rubrique consacrée aux “dernières tendances” et les termes ‘“‘arnaques
financières”, “victime d’une arnaque” ne ressortent que des publicités liées à la consultation de
la page internet. Certes, monsieur Nicolas Gaiardo ne dément ‘pas, en tant que journaliste,
travailler pour la lutte contre la cybercriminalité financière par une mission d’information
exercée sur internet, principalement via lc site de la société qu’il a créée en 2018, la SAS
Warning Trading. Ainsi, l’intimé justifie avoir été rendu destinataire en juin 2020, mais
principalement en février 2021, de messages d’alertes de différents internautes sur les forums
de discussion liés aux investisseurs financiers (échanges de mails produits) concernant les
activités proposées par la SARL Carinvest Europe, société spécialisée dans le leasing de voitures
permettant à des particuliers et à des sociétés de participer à son activité en devenant associés.
C’est dans le cadre de ces échanges qu’un internaute a interrogé l’AMF sur la possibilité pour
la SAS Sure Finances de proposer des investissements financiers sur son site internet et sa page
Facebook. Dans un mail du 10 février 2021, l’autorité des marchés financiers lui répond : “la

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIGLW

10
SAS Sure Finances ne bénéficie d’aucune autorisation auprès de l’AMF. De plus, si vous êtes
en relation avec le conseiller en investissement monsieur Jean Sadecki, celui-ci a été sanctionné
par l’AMF et interdit d’exercice. Nous vous conseillons de ne pas donner suite aux sollicitations
de cette société. Par ailleurs, pourriez-vous nous informer de la manière dont vous avez eu
connaissance de cette offre ? Si vous rencontrez des difficultés, je vous invite à vous tourner

vers les autorités judiciaires”.

Or, il est acquis que la SAS Sure Finances a pris la suite en août 2019, après changement de
dénomination sociale, de la société Axess Finances dont monsieur Jean Sadecki était le dirigeant
et qui avait été créée en 1998. Ce dernier est devenu président de là SAS Sure Finances. De plus,

la SAS Sure Finances, société de conseil en investissements financiers, promeut
l’investissement proposé par la SARL Carinvest Europe.

En août 2019 également, monsieur Jean Sadecki a créé la SARL Carinvest Europe dont le siège
social se situe dans les mêmes locaux que la SAS Sure Finances. Le 30 juin 2020, monsieur
Jean Sadecki a démissionné de son poste de président de la SAS Sure Finances. Le 17 mars
2021, madame Nina Dronova, épouse de monsieur Jean Sadecki; qui exerçait les fonctions de
gérante de la SARL Carinvest Europe a démissionné de ce poste, monsieur Jean Sadecki étant
désigné en qualité de nouveau gérant.

F

Les liens entre monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances sont
ainsi manifestes et ne sauraient être valablement contestés par les appelants, de sorte que le mail
d’incitation à la prudence de l’AMF du 10 février 2021 concerne l’investissement ainsi proposé
par les deux sociétés sous la houlette de monsieur Jean Sadecki. Certes, il ne s’agit pas d’une
“mise en garde” au sens de celles qu’est susceptible d’émettre cette autorité visant une liste
spécifique de sociétés ou d’intervenants. Néanmoins, les termes du mail émanant de cette
autorité sont explicites quant à la méfiance qu’elle suggère à son interlocuteur.

La question posée par les intimés dans le cadre de l’article “l’AMF met en garde contre Car
Invest Europe” sous la forme “combien de véhicules ont été achetés grâce à ces 800 000 € à ce
jour ?”, dénoncée par les appelants comme laissant entendre un possible détournement des fonds
remis par les associés de la société revêt, certes, un caractère provocateur, mais ne peut en soi
être considérée comme manifestement diffamatoire alors que la forme interrogative est
employée, sans aucune affirmation, et qu’elle correspond à l’objet de l’investissement proposé.

S’agissant, en deuxième lieu, des propos diffamants dénoncés par monsieur Jean Sadecki, ces
derniers tiennent au fait qu’il est mentionné qu’il serait “interdit de gestion”, au fait que
“condamné, Jean Sadecki confie la gérance à sa femme”, et à la mention selon laquelle “pour
pouvoir continuer ses affaires, il a modifié le nom de son entreprise et qu’interdit de gestion, il
a été remplacé par Didier Cordelle à la tête de Sure Finances et que sa femme, Nina Sadecki
Dronova a pris la tête de Carinvest Europe”. Il est également reproché de mentionner son nom
sur un site de dénonce d’arnaques financières. L’extrait complet de l’article incriminé est le
suivant : “condamné, Jean Sadecki confie la gérance à se femme. Effectivement, Jean Sadecki
a été sanctionné par l’AMF et cette sanction est confirmée par le Conseil d’Etat, Pour pouvoir
continuer en affaires, il a modifié le nom de son entreprise, qui s’appelait Axess finances
jusqu’en août 2020. Interdit de gestion, il a été remplacé par Didier Cordelle à la tête de Sure
et sa femme, Nina Sadecki Dronova a pris la tête de Car Invest Europe”. Certes, il s’agit d’une
façon de présenter les faits, qui, pour autant, correspondent à la réalité des modifications tant
des dénominations sociétales, que des associés et gérants des sociétés concernées. Les appelants
font, à juste titre, valoir qu’aucune interdiction de gérer une société au sens pénal, ni aucune
condamnation pénale à ce titre, n’a été prononcée contre monsieur Jean Sadecki. Pour autant,
ce n’est pas ce que souligne monsieur Nicolas Gaiardo dans l’article visé, faisant état d’une
sanction administrative. Or, il est justifié au dossier de ce que, par décision du 14 décembre
2018, l’AMF a prononcé contre la société Axess Finances une interdiction d’exercer l’activité
de conseiller en investissements financiers pendant une durée de 10 ans outre une sanction
pécuniaire de 120 000 €. Elle a également condamné monsieur Jean Sadecki à une interdiction
d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers pendant une durée de 10 ans outre

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12

Dans la mesure où aucune diffamation n’est retenue comme étant caractérisée avec l’évidence
requise en référé, il appert l’existence de contestations sérieuses se heurtant à la demande
d’indemnisation provisionnelle présentée par les appelants, à supposer même que les préjudices
qu’ils allèguent soient établis, ce qui n’est pas non plus ici le cas, du moins de manière évidente.

Dès lors, il n’y a pas lieu à référé sur les prétentions de chacun des appelants.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive sollicités par les intimés

Par application de l’article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière
dilatoire ou abusive peut être condamné une amende civile sans préjudice des dommages et
intérêts qui seraient réclamés.

L’exercice tant de l’action par monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS
Sure Finances, que de la voie de recours à l’endroit de l’ordonnance entreprise n’est pas
constitutif d’un abus, ni d’une faute, de sorte que cette demande de dommages et intérêts ne peut

prospérer et qu’il convient d’en débouter les intimés. Sur ce point l’ordonnance entreprise sera
confirmée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances qui succombent au

litige seront déboutés de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure

civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de monsieur Nicolas Gaiardo et la

a Warning Trading les frais, non compris dans les dépens, qu’ils ont exposés pour leur défense.

L’indemnité qui leur a été allouée à ce titre en première instance sera confirmée et il convient
de leur allouer une indemnité complémentaire globale de 5 000 euros en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a annulé l’assignation délivrée le 11 mai 2021 par
monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances contre monsieur
Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading,

Confirme l’ordonnance entreprise en ses autres dispositions non: contraires,Statuant-à nouveau et y ajoutant :Rejette toute nullité de l’assignation délivrée le 11 mai 2021 par monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances contre monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS
Warning Trading,

Débouté monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances de leur
demande tendant à la suppression de l’article “PAMF met en garde contre car Invest Europe”
publié le 12 février 2021 par monsieur Nicolas Gaiardo sur le site internet de la SAS Warning
Trading, soit à l’adresse suivante : https://www.warning-trading.com,

Déboute monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances de leurs
demandes d’indemnisation provisionnelle.

Ordonne la publication de la présente décision sur le site de ja SARL Carinvest Europe,
consultable sur le lien URL : https://carinvesteurope.fr/, de la SAS Sure Finances, consultable

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIULW

sur le lien URL: https://surefinances.fr/. aux frais avancés de monsieur Jean Sadecki, la SARL
Carinvest Europe et la SAS Sure Finances,

Condamne in solidum monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure
Finances à payer à monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading la somme globale de
5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances de leur
demande sur ce même fondement.

Condamne in solidum monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure
– Finances au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière

Le président

En conséquence, la République Française
mande et ordonne,

– à tous les commissaires de justice, sur ce requis de mettre
ledit arrêt à exécution,

– aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la
main,

– à tous commandants et officiers de la force publique de
prêter main-forte, lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le
président et le greffier.

La présente copie exécutoire certifiée conforme a été
signée par la directrice de greffe

de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence

P/ LA DIRECTRICE DE GREFFE

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BYBALW

CARINVEST EUROPE et SURE FINANCES ont formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt et que la procédure est en cours

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 31 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804
du code de procédure civile, Catherine OUVREL, Conseillère, à fait un rapport oral de l’affaire
à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président ;
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Caroline BURON. Pr
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au
greffe le 08 Décembre 2022.

MINISTERE PUBLIC :
Auquel affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT
Contradictoire,

1
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022;

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline BURON, greffier auquel la minute
de la décision a été remise par le magistrat signataire.

#4

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BBILW

EXPOSÉ DU LITIGE

|
Monsieur Nicolas Gaiardo a créé en 2018 la SAS Warning Trading dont l’objet est la lutte
contre la cybercriminalité financière par une mission d’information qu’elle exerce
principalement via son site internet https://www.warning-trading.com. Il est journaliste depuis
le 1* février 2019 et est le directeur de publication de la SAS Warning Trading.

La SARL Carinvest Europe est une société spécialisée dans le leasing automobile permettant
à des particuliers et sociétés de participer à son activité en devenant associés. La SAS Sure
Finances est une société de conseil en investissements financiers dont le président est monsieur
Jean Sadecki.

Estimant être victimes de diffamation à raison d’un article publié par monsieur Nicolas Gaiardo
sur le site de la SAS Warning Trading le 12 février 2021, se fondant sur l’article 835 du code
de procédure civile, outre les articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881,
monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances ont assigné

monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading le 11 mai 2021. La procédure a été

dénoncée au procureur de la République de Nice.

Par ordonnance en date du 3 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :

. annulé l’assignation,

’ débouté monsieur Nicolas Gaiardo de sa demande de dommages et intérêts pour
procédure abusive,

. condamné solidairement monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS

Sure Finances à payer à monsieur Nicolas Gaiardo la somme de 1 500 € sur le
fondement de l’article 700 du code de procédure civile, |

, condamné monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances
au paiement des dépens. ,

Le premier juge a notamment estimé que monsieur Jean Sadecki; la SARL Carinvest Europe et
la SAS Sure Finances n’étaient pas suffisamment précis dans leur acte introductif d’instance,
ne distinguant pas les propos diffamatoires imputés à chacun d’eux.

Selon déclarations reçues au greffe les 27 et 29 juin 2022, monsieur Jean Sadecki, la SARL
Carinvest Europe et la SAS Sure Finances ont interjeté appel de la décision, l’appel portant sur
toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.

Les instances ont été jointes par ordonnance du 6 juillet 2022. –

Par dernières conclusions transmises le 23 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample
exposé des prétentions et moyens, monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS
Sure Finances demandent à la cour de : ;

° réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a annulé l’assignation du 11 mai 2021 et
juger qu’elle répond aux conditions de l’article 53 alinéa:1 de la loi du 29 juillet 1881,

Statuant à nouveau :

° ordonner la suppression de l’article publié sur internet le ‘12 février 2021 par monsieur
Nicolas Gaiardo, via le site internet Warning Trading, intitulé » L’AMF met en garde
contre Car Invest Europe » dont le contenu constitue une diffamation ainsi que tous les
articles qui y sont liés (et notamment celui de Broker Defense) ou auxquels il renvoie,
sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de ja décision à intervenir,

° condamner in solidum monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading à payer à
titre de provision sur la réparation des préjudices causés par cette publication:

– la somme de 50 000 € à la SARL Carinvest Europe au titre de son préjudice
financier arrêté provisoirement au jour de la présente assignation
-la somme de 50 000 € à la SARL Carinvest Europe au titre de son préjudice
moral, !

– la somme de 50 000 € à la SAS Sure Finances, au titre de son préjudice
financier et moral,

– la somme de 50 000 € à monsieur Jean Sadecki, au titre de son préjudice moral,

° ordonner la publication par monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading, à
leurs frais avancés, de la décision à intervenir sur les pages d’accueil du site Warning

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BÆJLW

4

Trading et tous sites qui y sont liés ou auxquels il renvoie, ainsi que sur les sites de la
SARL Carinvest Europe et de la SAS Sure Finances,

a débouter monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading de toutes leurs
demandes, fins et conclusions, ; |

. les condamner in solidum à leur payer respectivement là somme de 5 000 € chacun en
application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ;

° les condamner in solidum aux entiers dépens d’appel, ces derniers avec distraction.

S’agissant du contexte de l’infraction, les appelants font valoir que monsieur Nicolas Gaiardo
a créé une activité lucrative au préjudice ‘de personnes et sociétés qui sont la cible de ses
attaques et sont indûment accusés d’escroquerie sur la foi de ses seules allégations. La SARL
Carinvest Europe dénonce ainsi avoir été visée sous le titre “T’AMF met en garde contre Car
Invest Europe” ainsi que via la question “combien de véhicules ont été achetés grâce à ces 800
000 € à ce jour”, sous-entendant qu’elle en aurait fait un autre usage. La SAS Sure Finances et
monsieur Jean Sadecki estiment avoir également été gravement mis en cause dans Particle
dénoncé, la SAS Sure Finances en ce qu’il est indiqué qu’elle ne “bénéfice d’aucune
autorisation auprès de l’AMF”, et, monsieur Jean Sadecki en ce qu’il sera “interdit de gestion”
par la mention “condamné Jean Sadecki confie la gestion à sa femme”. Les appelants dénoncent
également le lien entre le site de la SAS Warning Trading et d’autres sites, fournissant des
services d’aide à la récupération de fonds, dont Check & Pay ou Broker Defense, qui relaient
ces fausses informations. ‘ _

La SARL Carinvest Europe indique avoir exercé son droit de réponse publié le 9 mars 2021,
mais soutient que le mal était déjà fait et que le maintien en ligne de l’article continue de lui
porter préjudice,

Les appelants soutiennent, en premier lieu, que l’assignation est parfaitement valable en ce
qu’elle précise et qualifie chaque fait incriminé soit chaque propos diffamatoire contenu dans
l’article de monsieur Nicolas Gaiardo concernant chacun d’entré eux, et, vise expressément le
texte applicable à la poursuite, à savoir l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Ils dénoncent
l’amalgame fait par les intimés entre eux trois, et la publication les visant indifféremment sur
un site se targuant d’être “le 1 site d’information dédié aux arnaques”. En outre, ils mettent en
avant l’aveu des intimés, dans le cadre de leurs écritures réitérées en appel, ces derniers ayant
reconnu savoir précisément quels propos diffamatoires leur étaient reprochés par chacun des
demandeurs, aux termes de 4 extraits identifiés, et avoir ainsi pu se défendre.

Ainsi, s’agissant de la SARL Carinvest Europe, outre le fait de la citer sur un site dédié à la
dénonciation d’arnaques, les appelants reprochent aux intimés d’avoir voulu faire croire qu’elle
exerce une activité illégale, avec mise en garde à son encontre par l’AMF, et, qu’aucune
information ne serait donnée sur l’utilisation des fonds remis par ses nouveaux associés, sous-
entendant un détournement d’usage.

S’agissant de monsieur Jean Sadecki, ils reprochent aux intimés le titre en gras selon lequel
“condamné, Jean Sadecki confie la gérance de la SARL Carinvest Europe à sa femme”, en
prenant ainsi prétexte d’une sanction administrative de l’AMF ne concernant que l’activité de
conseiller en investissements financiers de monsieur Jean Sadecki, pour laisser entendre un
exercice illégal de sa profession. De même, les appelants dénoncent l’affirmation selon laquelle
monsieur Jean Sadecki serait “interdit de gestion” alors qu’aucune interdiction de gérer une
société, ni aucune condamnation pénale n’est intervenue. ;
S’agissant de la SAS Sure Finances, ils reprochent le fait de la citer sur un site dédié à la
dénonciation d’arnaques, avec renvoi vers des sites de “service d’aide juridique aux victimes
d’arnaques financières”, et d’avoir indiqué qu’elle ne bénéficiait d’aucun agrément de l’AMF,
non nécessaire.

En deuxième lieu, les appelants estiment le trouble manifestement illicite caractérisé à raison
des propos diffamatoires tenus à l’encontre de chacun d’eux, tels qu’ils viennent d’être
développés et repris, soit :
– pour la SARL Carinvest Europe : ;

-“T AMF met en garde contre Car Invest Europe”, ce qui est faux, et,

-“combien de véhicules ont été achetés grâce à ces 800 000 € à ce jour”, laissant
entendre un possible détournement des fonds remis par les associés de la société sans aucune
preuve ni réalité,

– Outre le seul fait de lui consacrer une partie de leur article sur un site dédié à
la dénonciation d’arnaques, laissant entendre que cette société en est une :

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BHILW

– pour monsieur Jean Sadecki :

– en indiquant qu’il serait “interdit de gestion” ce qui est faux, ,

– en titrant “condamné, Jean Sadecki confie là gérance à sa femme”, et en
écrivant que “pour pouvoir continuer ses affaires, il a modifié le nom de son entreprise et
qu’interdit de gestion, il a été remplacé par Didier Cordelle à la tête de Sur Finances et sa
femme, Nina Sadecki Drnova a pris la tête de Carinvest Europe”, laissant ainsi faussement
croire que, sous je coup d’une condamnation, monsieur Jean Sadecki aurait mis en oeuvre des
manoeuvres lui permettant de poursuivre ses activités, alors que depuis le 17 mars 2021, il est
le nouveau gérant de Ja SAS Sure Finances (en remplacement de son épouse), et son président
depuis le 25 mars 2021, et alors qu’il a seulement fait l’objet en 2018 d’une sanction
administrative de l’AMF au titre de son activité de conseil en investissements financiers pour
des manquements à des obligations purement formelles en dehors de tout préjudice causé aux
tiers et en l’absence de tout enrichissement personnel, E | Lu.

– outre le seul fait de lui consacrer une partie de: leur article sur un site dédié à
la dénonciation d’arnaques, laissant entendre qu’il y participe ;’

– pour la SAS Sure Finances : – …

– elle “ne bénéficie d’aucune autorisation de l’AMF” et se cacherait derrière un
changement de dénomination sociale comme étant l’ancienne SAS Axess Finances elle-même
condamnée par l’AFM avec monsieur Jean Sadecki qui était alors son président, ce alors que
ce changement de dénomination sociale n’est pas répréhensible, ; | e.

– outre le seul fait de lui consacrer une partie de leur article sur un site dédié à
la dénonciation d’arnaques, laissant entendre que cette société en est une.

En troisième lieu, monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances
contestent toute bonne foi des intimés alors qu’une présomption de mauvaise foi s’attache de
plein droit aux imputations diffamatoires. Les appelants dénient l’existence d’un but légitime
poursuivi, monsieur Nicolas Gaiardo s’instaurant en justicier, dénonçant des escroqueries
dépourvues de qualification pénale, et excédant les limites apportées à la liberté d’expression
dans l’exercice de son métier de journaliste. Au contraire, les appelants soutiennent que l’intimé
poursuit un but lucratif cherchant à attirer le plus de clients possibles grâce à des titres chocs
pour son activité de récupération de fonds. Par ailleurs, les appelants font état de ce que l’article
ne résulte pas d’une enquête préalable sérieuse, n’est pas dépourvu d’une animosité personnelle
à leur endroit, de sorte que le caractère diffamatoire est, selon eux, établi.

En quatrième lieu, les appelants font valoir que leur honneur a été gratuitement sali et leur
réputation atteinte dans le seul but d’alimenter les activités lucratives des intimés, en lien avec
d’autres sites sur lesquels ces fausses informations étaient répércurées. Ils en déduisent être
fondés à solliciter la suppression de l’article incriminé et l’indemnisation de leurs préjudices
moraux, pour atteinte à l’honneur, la réputation et la probité, et financières à raison de la perte
de clients et/ou associés.

Enfin, ils s’opposent à tout dommage et intérêt pour procédure abusive.

Par dernières conclusions transmises le 28 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus

ample exposé des prétentions et moyens, monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading

sollicitent de la cour qu’elle : :

À titre principal :

, confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a prononcé, in limine litis, la nullité de

, l’acte introductif d’instance du 11 mai 2021 pour imprécision des faits poursuivis,

À titre subsidiaire :

. dise que monsieur Nicolas Gaiardo, en tant que directeur de publication du site
rer AO a g.com, a fait preuve de bonne foi dans la rédaction de l’article objet

u litige,

. dise que monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances
n’apporte pas la preuve de leur prétendu préjudice, ‘

. déboute monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances de
leurs demandes,

Sur appel incident et en tout état de cause :

° réforme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de réparation au titre
de la procédure abusive,

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BHILW

6

+ réforme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de publication du
jugement à intervenir sur le site de la SARL Carinvest Europe, consultable sur le lien
URL : https://carinvesteurope.fr/, de la SAS Sure Finances, consul table sur le lien URL:
https://suréfinances.fr/, aux frais avancés de monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest
Europe et la SAS Sure Finances, ; ;

“ condamne solidairement monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS
Sure Finances à payer à monsieur Nicolas Gaiardo la somme de 10 000 € en réparation
de san préjudice moral pour procédure abusive, Sur le fondement de l’article 32-1 du
code de procédure civile, ;

. condamne solidairement monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS
Sure Finances à la publication de l’arrêt à intervenir sur le site de la SARL Carinvest
Europe, consultable sur le lien URL : https://carinvesteurope.fr/, de la SAS Sure
Finances. consultable sur le lien URL: https://surefinances.fr/, aux frais avancés de
monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances,

+ condamne solidairement monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS

i Sure Finances à payer à monsieur Nicolas Gaiardo la somme de 10 000 € en application
de l’articlé 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Monsieur Nicolas Gaiardo explique avoir publié son article le 12 février 2021, après avoir été
rendu destinataire en juin 2020 d’un signalement par un lecteur concernant l’offre
d’investissement originale proposée par les appelants sur Facebook, après avoir récolté des
informations d’internautes dès le 4 février 2021, après une réaction immédiate des appelants
signe d’une veille internet poussée et active, et après avoir obtenu, via un investisseur, une
réponse de l’AMF du 10 février 2021 mettant clairement en garde contre toute investissement
proposé par la SARL Carinvest Europe et par monsieur Jean Sadecki, Il indique avoir publié dès
le 9 mars 2021 le droit de réponse sollicité le 5 mars par la SARL Carinvest Europe mais avoir
refusé de satisfaire à la mise en demeure du 24 mars 2021 tendant à la suppression de l’article,
estimant qu’aucun propos diffamatoire n°y figurait. Les intimés ajoutent au contraire que, dans
le cadre de la publication décidée par la SARL Carinvest Europe sur son site le 12 février 2021,
celle-ci a tenu des propos diffamatoires contre la SAS Warning Trading , de sorte qu’une plainte
avec constitution de partie civile a été déposée le 21 mai 2021 et est en cours d’instruction.

À titre principal, les intimés soutiennent que l’assignation délivrée est nulle en raison de
l’imprécision des faits poursuivis, au regard de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ici
applicable. Is font valoir que les trois appelants s’estiment collectivement diffamés par l’article
litigieux sans que l’assignation ne permette de déterminer de quels propos diffamatoires se
plaint chacun des appelants, aucune attribution précise et isolée de faits diffamatoires n’étant
établie, Ils contestent avoir reconnu une articulation correcte dans l’assignation et dénient tout
aveu ou reconnaissance selon laquelle ils auraient pu utilement se défendre. Ils soutiennent au
contraire n’avoir pu utilement se défendre puisqu’il n’est pas possible de savoir quel appelant
se prétend lésé par quel extrait, aucune articulation en détail entre l’extrait incriminé, l’appelant,
le type de préjudice causé et la manière dont il le serait, n°étant effectué.

À titre subsidiaire, monsieur Nicolas Gaiardo et la SAS Warning Trading entendent démontrer
l’absence de diffamation en raison de la bonne foi de monsieur Nicolas Gaiardo. Ils invoquent
la liberté d’expression et assurent que les quatre conditions requises à l’exception de bonne foi
sont réunies. ls mettent en avant leur réputation, leur compétence étant reconnue par l’ensemble
de la presse française, leurs succès et l’organisation de la SAS Warning Trading qui relaie les
activités des antennes de la société N&L, à savoir Broker Defense et Check & Pay. 1Is versent
à ce titre des attestations de clients satisfaits. Ils assurent que toutes les publications de la SAS
Warning Trading ne poursuivent qu’un seul but, l’information du public et sa prévention contre
les escroqueries financières existantes.

Ainsi, ils se défendent d’avoir employé le terme d’arnaque dans l’article litigieux pour décrire
l’activité des appelants, la seule référence à la rubrique du site internet étant insuffisante. Quant
à la mise en garde de l’AMF contre la SARL Carinvest Europe, ils soutiennent qu’elle est avérée
et documentée. De même, les intimés assurent qu’il est permis de s’interroger sur la légalité des
activités des appelants dans Ja mesure où la SAS Sure Finances se présente comme conseiller
en gestion de patrimoine, alors que sa dénomination d’origine, la société Axess Finances et son
actuel président et gérant, monsieur Jean Sadecki, ont été interdits d’exercer une activité de
conseiller en investissements financiers jusqu’en décembre 2023 par décision de l’AMF.
confirmée par le Conseil d’Etat. Ils ajoutent n’avoir jamais prétendu que monsieur Jean Sadecki

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avait fait l’objet d’une interdiction de gérer une société ou d’une condamnation pénale, mais ont
uniquement fait référence à son interdiction d’exercer une activité de conseiller en
investissement. | 2

Par ailleurs, les intimés indiquent que l’indication de l’absence:d’autorisation de la SAS Sure
Finances provient de l’AMF elle-même, information qu’ils ont seulement relayée.

Dans la mesure où ils ont rappelé le contexte et l’historique des différentes gestions de la SAS
Sure Finances et la SARL Carinvest Europe, ils estiment qu’il n’y a pas diffamation puisque
c’est bien en lien avec l’interdiction prononcée par l’AMF que monsieur Jean Sadecki a placé
son épouse comme présidente et gérante pendant un temps, ces derniers ayant toujours géré
ensemble ces sociétés. J ;
Enfin, s’agissant de l’orientation des 800 000 € perçus, ils reconnaissent une question
provocatrice, mais aucunement diffamatoire. ;

Les intimés dénoncent encore l’absence de préjudice des appelants, leurs prétentions pourtant
exorbitantes n’étant étayées par aucune pièce.

En tout état de cause, les intimés sollicitent l’indemnisation au titre d’une procédure
parfaitement abusive des appelants, diligentée dans le seul but-de leur nuire et d’atteindre la
réputation et le sérieux du travail de lanceur d’alerte de monsieur Nicolas Gaiardo, en sous-
entendant qu’il poursuit un but lucratif ou agit en justicier.

Madame la Procureure Générale près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, régulièrement intimée
à domicile le 4 juillet 2022, n’a pas conclu.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 17 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de
“constatations”, de “prise d’acte” ou de “dire et juger” qui ne sont pas, hors les cas prévus par
la lois des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences
juridiques.

Sur la validité de l’assignation du 11 mai 2021

En vertu de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la citation précisera et qualifiera le fait
incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite: Si la citation est à la requête
du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et
sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à
peine de nullité de la poursuite.

L’acte de poursuite ne doit entraîner aucune équivoque dans l’esprit du défendeur sur les faits
et la qualification dont il a à répondre. Lorsque plusieurs personnes s’estiment diffamées par les
mêmes propos et font délivrer un seul et même acte, il leur appartient de fournir les indications
nécessaires afin de permettre aux prévenus de déterminer de quels propos diffamatoires se plaint
chacune des parties civiles. |
Ainsi, l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 exige que la citation soit précise, qualifie le fait
Incriminé et qu’elle indique le texte de loi applicable à la poursuite, L’acte introductif d’instance
à ainsi pour rôle de fixer définitivement l’objet de la poursuite, afin que la personne poursuivie.
puisse connaître, dès sa lecture et sans équivoque, les faits dont elle aura exclusivement à
répondre, l’objet exact de l’incrimination et la nature des moyens de défense qu’elle peut y
opposer. Les formalités prescrites par ce texte, applicables à l’action introduite devant la
juridiction civile dès lors qu’aucun.texte législatif n’en écarte l’application, sont substantielles
aux droits de la défense et d’ordre public. Leur inobservation entraîne la nullité de la poursuite
elle-même aux termes du 3°” alinéa de l’article 53, notamment sil l’acte introductif d’instance a
pour effet de créer une incertitude dans l’esprit de la personne poursuivie quant à l’étendue et la
nature des faits dont elle a à répondre.

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En l’occurrence, il appert que l’acte introductif d’instance délivré le 11 mai 2021 par monsieur
Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances à monsieur Nicolas Gaiardo
et la SAS Warning Trading vise expressément les articles 29 alinéa 1, concernant
l’incrimination de diffamation, et 32, concernant la sanction, de Ja loi du 29 juillet 1981, tant
en son dispositif qu’en ses motifs. Dès lors, les intimés ont pu savoir qu’une diffamation leur
était reprochée. De plus, la demande principale formée au dispositif de l’assignation estrédigée
en ces termes : “ordonner la suppression de l’article publié sur internet le 12 février 2021 par
monsieur Nicolas Gaiardo , via le site internet Warning Trading, intitulé “L’AMF met en garde
contre Car Invest Europe” dont le contenu constitue une diffamati on ainsi que tous les articles
qui y sont liés ou auxquels il renvoie, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de
la décision à intervenir”. :

Si effectivement, le renvoi à “tous les articles qui y sont liés ou auxquels il renvoie” est par trop
général, et ne permet pas l’identification requise par le texte sus-visé, il n’en demeure pas moins
que l’article principal incriminé comme étant diffamant est nommé précisément, à savoir celui
intitulé “L’AMF met en garde contre Car Invest Europe” au titre de sa diffusion sur le site
internet de la SAS Warning Trading.

Certes, dans le cadre du dispositif de l’assignation, une diffamation est imputée aux intimés,
sans distinction à l’égard de chacun dés trois requérants et sans articulation précise des propos
diffamants relativement à chacun d’eux. Toutefois, dans les miotifs de cette assignation, et
notamment en ses première et deuxième page, la mention des extraits de l’article en cause,
rapportés à chacun des requérants est identifié et identifiable. Ainsi, en fin de première page, il
est expressément indiqué qu’il est reproché à monsieur Nicolas Gaiardo d’avoir présenté
l’activité de la SARL Carinvest Europe comme étant une “arnaque” et de l’avoir mentionné sous
le titre “l’AMF met en garde contre Car Invest Europe”. En deuxième page, il est expressément
reproché aux intimés, s’agissant de la SAS Sure Finances d’avoir:indiqué qu’elle “ne bénéficie
d’aucune autorisation de l’AMF”, sous-entendant une activité illicite. Enfin, s’agissant de
monsieur Jean Sadecki, les extraits suivants sont mis en exergue èomme étant diffamants à son
endroit, à savoir qu’il serait “interdit de gestion”, sous le titre “condamné, Jean Sadecki confie
la gérance à sa femme”. De même, il est dénoncé le questionnement suivant comme étant
diffamant : “combien de véhicules ont été achetés grâce à ces 800 000 € à ce jour”.

Ainsi, si l’articulation précise entre des propos prétendument diffamatoires et chacune des
personnes visées n’est pas présentée de manière évidente et claire, il n’en demeure pas moins
que les intimés savaient parfaitement à la réception de cet acte intfoductif d’instance qu’étaient
en cause des propos diffamatoires, sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881,
la sanction de l’article 32 de la même loi étant visée, à raison de l’article paru sur le site internet
de la SAS Warning Trading, sous le titre “L’AMF met en garde contre Car Invest Europe”, et,
les extraits prétendument diffamants étaient précisés avec identification possible pour chacun
d’eux de chacun des requérants. Ainsi, à la réception de cette assignation, les intimés ont été en
mesure de se défendre utilement, et notamment de faire valoir l’exception de vérité ou de bonne
foi. Au demeurant, c’est ce qu’ils ont fait dès leurs premières conclusions en défense devant le
juge des référés, elles-mêmes documentées, précises et circonstanciées, après identification
précisément des extraits en cause, attribués à chacun des appelants de l’espèce.

Aussi, c’est à tort que le premier juge a retenu l’exception de nullité de l’assignation, et il
convient d’infirmer l’ordonnance de ce chef. En application de l’effet dévolutif de l’appel, la
cour doit statuer sur les prétentions émises en termes de suppression de la parution litigieuse et
de dommages et intérêts.

Sur la demande tendant à la suppression de l’article intitulé “L’AMF met en garde
contre Car Invest Europe”

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire
ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours,
même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé lès mesures conservatoires ou
de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser
un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite se caractérise par toute perturbation résultant d’un fait matériel

N° RG 22/09223 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BÆILW

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ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de
droit. En outre, aucune condition d’urgence ou d’absence de contestation sérieuse n’est requise
pour l’application de l’article susvisé.

L’article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 définit Ja diffamation comme “toute
allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la
personne ou du corps auquel le fait est imputé”. La loi ajoute que la publication directe ou par
voie de reproduction de cette allégation où de cette imputation est punissable, même si elle est
faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés,
mais dont l’identification est rendue possible par les termes des ‘discours, cris, menaces, écrits
ou imprimés, placards ou affiches incriminés. La diffamation doit résulter d un fait précis,
susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa. vérité.

La liberté d’expression demeure une valeur fondamentale au sein d’une société démocratique
et a été affinnée par de nombreux textes fondateurs, tels l’article { 1 de la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen, l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme
adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies du 10 décembre 1948, l’article 10 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950, mais également par la Charte de Munich,adoptée en 1971. Elle a été
également affirmée en jurisprudence par le Conseil Constitutionnel (84-181 DC du 11 octobre
1984), ainsi que par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 27 mars 1996 Goodwin
c. Royaume-Uni, notamment).

Dans le but notamment de préserver cette liberté fondamentale, la jurisprudence a reconnu et
défini le fait justificatif de bonne foi afin de défendre face à des imiputations diffamatoires. Cette
exception de bonne foi suppose la réunions de quatre conditions :

– le recherche d’un but légitime dans les propos tenus,

– l’absence d’animosité personnelle,

– la prudence dans l’expression,

-l’existence d’une enquête préalable sérieuse permettant de s’assurer de la véracité des
SOUrcCES.

En l’espèce, il convient d’examiner précisément chacun des faits imputés pour retenir, ou non,
leur caractère manifestement diffamatoire, ou la justification de l’exception de bonne foi les
concernant venant combattre la présomption de mauvaise foi s’attachant de plein droit aux
imputations diffamatoires.

S’agissant, en premier lieu, des propos diffamants dénoncés au préjudice de la SARL Carinvest
Europe, 1l convient tout d’abord de constater que l’article incriminé, intitulé, “l’AMF met en
garde contre Car Invest Europe”, ne comprend pas en lui-même le terme “d’arnaque”, et ce
qualificatif n’est pas associé à l’activité de la SARL Carinvest Europe. Le rapprochement avec
ce terme ne résulte que de la rubrique “arnaques” au sein de laquelle sont regroupés, sur le site
internet de la SAS Warning Trading, plusieurs publications, dont l’article incriminé, publié le
12 février 2021 sur le site https://www.warning-trading.com. Plus précisément, cet article
apparaît dans une sous-rubrique consacrée aux “dernières tendances” et les termes ‘“‘arnaques
financières”, “victime d’une amaque” ne ressortent que des publicités liées à la consultation de
la page interet. Certes, monsieur Nicolas Gaiardo ne dément ‘pas, en tant que journaliste,
travailler pour la lutte contre la cybercriminalité financière par une mission d’information
exercée sur internet, principalement via lc site de la société qu’il a créée en 2018, la SAS
Warning Trading. Ainsi, l’intimé justifie avoir été rendu destinataire en juin 2020, mais
principalement en février 2021, de messages d’alertes de différents internautes sur les forums
de discussion liés aux investisseurs financiers (échanges de mails produits) concernant les
activités proposées par la SARL Carinvest Europe, société spécialisée dans le leasing de voitures
permettant à des particuliers et à des sociétés de participer à son activité en devenant associés.
C’est dans le cadre de ces échanges qu’un internaute a interrogé l’AMF sur la possibilité pour
la SAS Sure Finances de proposer des investissements financiers sur son site internet et sa page
Facebook. Dans un mail du 10 février 2021, l’autorité des marchés financiers lui répond : “la

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SAS Sure Finances ne bénéficie d’aucune autorisation auprès de l’AMF. De plus, si vous êtes
en relation avec le conseiller en investissement monsieur Jean Sadecki, celui-ci a été sanctionné
par l’AMF et interdit d’exercice. Nous vous conseillons de ne pas donner suite aux sollicitations
de cette société. Par ailleurs, pourriez-vous nous informer de la manière dont vous avez eu
connaissance de cette offre ? Si vous rencontrez des difficultés, je vous invite à vous tourner

vers les autorités judiciaires”.

Or, il est acquis que la SAS Sure Finances a pris la suite en août 2019, après changement de
dénomination sociale, de la société Axess Finances dont monsieur Jean Sadecki était le dirigeant
et qui avait été créée en 1998. Ce dernier est devenu président de là SAS Sure Finances. De plus,

la SAS Sure Finances, société de conseil en investissements financiers, promeut
l’investissement proposé par la SARL Carinvest Europe.

En août 2019 également, monsieur Jean Sadecki a créé la SARL Carinvest Europe dont le siège
social se situe dans les mêmes locaux que la SAS Sure Finances. Le 30 juin 2020, monsieur
Jean Sadecki a démissionné de son poste de président de la SAS Sure Finances. Le 17 mars
2021, madame Nina Dronova, épouse de monsieur Jean Sadecki; qui exerçait les fonctions de
gérante de la SARL Carinvest Europe a démissionné de ce poste, monsieur Jean Sadecki étant
désigné en qualité de nouveau gérant.

F

Les liens entre monsieur Jean Sadecki, la SARL Carinvest Europe et la SAS Sure Finances sont
ainsi manifestes et ne sauraient être valablement contestés par les appelants, de sorte que le mail
d’incitation à la prudence de l’AMF du 10 février 2021 concerne l’investissement ainsi proposé
par les deux sociétés sous la houlette de monsieur Jean Sadecki. Certes, il ne s’agit pas d’une
“mise en garde” au sens de celles qu’est susceptible d’émettre cette autorité visant une liste
spécifique de sociétés ou d’intervenants. Néanmoins, les termes du mail émanant de cette
autorité sont explicites quant à la méfiance qu’elle suggère à son interlocuteur.

La question posée par les intimés dans le cadre de l’article “l’AMF met en garde contre Car
Invest Europe” sous la forme “combien de véhicules ont été achetés grâce à ces 800 000 € à ce
jour ?”, dénoncée par les appelants comme laissant entendre un possible détournement des fonds
remis par les associés de la société revêt, certes, un caractère provocateur, mais ne peut en soi
être considérée comme manifestement diffamatoire alors que la forme interrogative est
employée, sans aucune affirmation, et qu’elle correspond à l’objet de l’investissement proposé.

S’agissant, en deuxième lieu, des propos diffamants dénoncés par monsieur Jean Sadecki, ces
derniers tiennent au fait qu’il est mentionné qu’il serait “interdit de gestion”, au fait que
“condamné, Jean Sadecki confie la gérance à sa femme”, et à la mention selon laquelle “pour
pouvoir continuer ses affaires, il a modifié le nom de son entreprise et qu’interdit de gestion, il
a été remplacé par Didier Cordelle à la tête de Sure Finances et que sa femme, Nina Sadecki
Dronova a pris la tête de Carinvest Europe”. Il est également reproché de mentionner son nom
sur un site de dénonce d’arnaques financières. L’extrait complet de l’article incriminé est le
suivant : “condamné, Jean Sadecki confie la gérance à se femme. Effectivement, Jean Sadecki
a été sanctionné par l’AMF et cette sanction est confirmée par le Conseil d’Etat, Pour pouvoir
continuer en affaires, il a modifié le nom de son entreprise, qui s’appelait Axess finances
jusqu’en août 2020. Interdit de gestion, il a été remplacé par Didier Cordelle à la tête de Sure
et sa femme, Nina Sadecki Dronova a pris la tête de Car Invest Europe”. Certes, il s’agit d’une
façon de présenter les faits, qui, pour autant, correspondent à la réalité des modifications tant
des dénominations sociétales, que des associés et gérants des sociétés concernées. Les appelants
font, à juste titre, valoir qu’aucune interdiction de gérer une société au sens pénal, ni aucune
condamnation pénale à ce titre, n’a été prononcée contre monsieur Jean Sadecki. Pour autant,
ce n’est pas ce que souligne monsieur Nicolas Gaiardo dans l’article visé, faisant état d’une
sanction administrative. Or, il est justifié au dossier de ce que, par décision du 14 décembre
2018, l’AMF a prononcé contre la société Axess Finances une interdiction d’exercer l’activité
de conseiller en investissements financiers pendant une durée de 10 ans outre une sanction
pécuniaire de 120 000 €. Elle a également condamné monsieur Jean Sadecki à une interdiction
d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers pendant une durée de 10 ans outre

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